01/05/2004
Quality Street #7 - mai 2004
Le détournement est plus qu’affaire de tradition dans le fanzinat : il est l’essence même du zine. Ce qui reste quand on a enlevé l’habillage – j’entends par habillage: l’objet du zine (le punk, le ska, le football, soi…), la teneur du discours, les qualités graphiques ou littéraires, ou leur absence totale. Dépouillez un zine de ce qui le différencie en apparence d’un autre et il vous restera le détournement. Comme un corbeau (non, pas les fans de Robert), découpez des caractères, des mots dans un journal et recomposer un texte, un titre, etc. Comme le séminal Sniffin’glue, vous voilà en train de détourner des lettres, des phrases, de leur donner un sens nouveau. Tradition à la Hara-kiri que le zine nantais Autodafez perpétuait il y a 10-15 ans et dans laquelle s’inscrit le très politiquement incorrect BurnValBurn.
Onzième opus consacré à la « Passion du Christ » selon BVB : free-party (Jay-sus premier teufeur), sexe hardcore (Marie-Madeleine dans tous ses états) et 8°6 au pays des travellers à sandales : « Alors voilà: tu sauves le monde, t’organises des teufs, tu multiplies les pains, j’en passe et des meilleures… et en échange t’as quoi ? DES CLOUS! »). Une évangile revue et corrigée qui prolonge en quelque sorte la mission œcuménique entamée dans BVB#10 par un croustillant et brillant compte-rendu de tournée des messes de Noël. Devenue chronique habituelle, la baston du mois entre skins, cette fois-ci à Ménilmontant (Paris history X). Et puis un peu de littérature avec l’auteur de polars noir Donald Goines. BVB est un zine sans adresse, dispo sur Rennes et Paris.
Bloom n°1-3, A4, xrx, gratuit.
« On a tous des souvenirs à New York, même sans jamais y être allé », une phrase choppée dans Bloom#1, un nouveau perzine, simple feuille A4 recto/verso, né en début d’année mais déjà paru 3 fois. Des dessins ultra-cheap, des textes courts mais plutôt pertinents, réflexions « en passant » sur ce que le rock peut représenter dans la vie d’une jeune Parisienne. Je ne résiste pas au plaisir (inédit, ici) de vous livrer les réponses d’Elodie à mon questionnaire sur les zines. Histoire de rappeler qu’on peut avoir 18 ans et avoir compris ce que DiY signifie (suffit-il d’être un vieux con blasé pour avoir pu penser le contraire ?).
Première fois ? Bloom est mon premier fanzine, commencé en janvier 2004. Avant, j’avais été rédactrice en chef pendant deux ans du journal de mon lycée – l’Indiscret. Et puis, en primaire, j’écrivais quelque chose comme La gazette d’Herblay (!). Un faux journal, imitation des « grands ».
Envie ? Ce n’est pas vraiment une idée neuve pour moi. J’imagine que ça date de la fameuse gazette d’Herblay. Sortir un journal, un zine : c’est voir éclore la pensée libre, enfin. Surtout, un fanzine c’est l’espace. J’adore l’esprit do it yourself, les punks. « England’s dreaming : les Sex Pistols et le punk » (Jon Savage) m’a réellement donné l’envie de faire un fanzine. Une claque. Je me suis dit : « Waouh ! Je vais faire mon fanzine ». Evidemment, pas pour le revival. Pas un truc nostalgique. J’aime écrire, voilà. J’aime aussi le rock. Un fanzine : écrire le rock. Essayer de rendre des rythmes. Alors c’est devenu une évidence.
Objectif ? Objectif : pas d’objectifs. Non pas que ce soit un projet à la dérive, inorganisé. Mais j’écris plus par envie, par coup de cœur, que par programme, par sommaire ou par objectif. Bien sûr, certains thèmes sont récurrents : le rock, l’écriture. Ce n’est pas nécessairement un projet original, il s’agit surtout de s’exprimer. De partager. J’essaie d’interviewer quelques artistes peu connus que j’apprécie, et là Internet me sert énormément.
Gratuit ? Résolument gratuit ! Parce que les mots le sont, après tout. Parce qu’un fanzine payant, ça me choque un peu. Les feuilles punks qui sortaient en 77 ne l’étaient pas. Ç’aurait été aberrant. But non lucratif, la passion est première. De toute façon, comment donner un prix à ce qu’on fait ? Le fanzine, c’est une catégorie de la presse, mais c’est aussi totalement différent. J’écris ce que je veux, je ne me sens pas obligée de plaire. Après, je comprends totalement qu’on envoie un timbre ou deux contre un fanzine. C’est même normal. On paie l’expédition, rien de plus. Mais faire payer le fanzine, c’est s’enchaîner à une formule – c’est transformer le fanzine en objet de consommation, alors qu’il représente précisément le contraire. Un prix, ça implique aussi une relation verticale vendeur-acheteur. Ça peut miner l’échange.
Webzines = mort des fanzines ? Je ne crois pas. Le net reste un espace impersonnel, un réseau où tout va vite – rien ne reste réellement. Le net et le papier : des supports différents. On ne fait pas la même chose ; le net c’est réellement sans limites, un média formidable, le monde. Le fanzine, souvent, ça reste local, confidentiel. C’est une autre approche de l’information, et des lecteurs. On connaît généralement la plupart de ses lecteurs avec un fanzine. L’échange est plus facile. Le net demeure élitiste. Limiter le fanzine au webzine (ou plutôt remplacer l’un par l’autre), c’est perdre une certaine catégorie de lecteurs. C’est privilégier les contacts abstraits, de loin. Les webzines sont très différents des fanzines, peut-être plus/mieux organisés. Le fanzine compte un nombre de rédacteurs très limité (souvent un seul d’ailleurs), sans hiérarchie ; le webzine me semble plus construit. La mort du fanzine papier ? Pas pour demain ! Internet ne remplace pas tout. Le fanzine papier, c’est la rue, les contacts directs, la ville – tout un arrière-plan urbain. Bouquins papiers contre bouquins électroniques, c’est la même question. Finalement, on devrait peut-être penser complémentarité des deux.
La spécificité du fanzine ? Le support ! Le papier, la feuille. C’est émouvant. L’objet. Je ne suis pas fétichiste, mais j’ai toujours préféré le papier aux pages net, les lettres aux mails. Le fanzine : ancré dans la réalité. Tu le sens exister. Un fanzine : un univers, forcément inédit. Un monde minuscule. Une tentative d’art, même humble, même timide.
Prière d'un soir n°8, A5, xrx, gratuit
Quatre ans d’absence et un retour peu remarqué pour cette newsletter metal vendéenne plutôt iconoclaste puisqu’il n’y a ni news, ni chroniques mais cinq itws. Les questions posées aux groupes (Unleashed, Trepalium, Disgust, Ipsum et Zuul FX) sont toujours les mêmes, ce qui rend la lecture un peu pénible, mais certaines sortent quand même du lot: « Disgust, quelle position avez-vous du christianisme (sic) ? » « Je hais les religions (toutes), toutes formes d’esclavage passif ki détruit l’aptitude à penser par soi-même… Je m’intéresse au ‘‘Left-hand path’‘… » qui, rappelons-le, est aussi une forme de religion, mais assimilée au satanisme (les Sétiens notamment)…
Bandoppler n°3, $4.5, offset couleur.
Très proche musicalement de Copper Press, Bandoppler est un zine plus "esthétisant", avec ce côté prétentieux-à-deux-balles que l'on connaît tant de ce côté-ci de l'Atlantique, rue de Rivoli. Non pas que le zine soit mauvais, loin de là, mais à force de toujours chercher l'originalité dans le traitement des sujets (l'itw de Nick Cave est du style vieux pôtes de chambrée sur le retour - ce que Sieur Cave goûte moyennement), on succombe facilement à la vanité (un conseil : réécouter l'intro du premier LP de Diabologum, et s'en convaincre). Les dessins est les strips sont par contre excellents.
A l’arrach n°1, 2004, 26 pages A4, xrx, prix libre (Price Liberation Front ?)
Ceci est un zine punk anti-spéciste, libertaire et vegan. Il s’est donné la tâche de présenter, sans aucune volonté de prosélytisme selon l’édito, le spécisme et tous ses avatars (pas mal de définitions permettent de faire une bonne mise à niveau (ainsi, on retiendra avec intérêt que les crudivégétaliens ne sont pas des gens amateurs de mots croisés et que les fructariens ne sont pas des fainéants)). Pour se convaincre de la maltraitance des animaux de ferme, une certaine Brigitte A. nous propose de « suivre la vie d’un des ‘‘pensionnaires’‘ de l’élevage : enlèvement, séquestration, engraissement, transport et abattage », ouh là, c’est du sérieux, elle pourrait peut-être proposer son concept à TF1 : La Ferme des Célébrités, avec engraissage et abattage au menu. Puisqu’on est dans le créneau star de la télé, ALF est aussi l’Animal Liberation Front. Apparemment il suffit de libérer un animal pour en faire partie (mais détacher la laisse du chien de votre voisin ne suffit pas). Précision du zine: ce nest pas parce que les Alfistes sont cagoulés qu’ils font partie de l’IRA (l'amalgame est si vite faite n). Paradoxe incroyable, ils n’hésitent pas à interviewer Kangourou zine (alors si c’est pas de l’exploitation gratuite des animaux, ça...). Et puis, comme toujours, des recettes, des liens (dont un pour pouvoir s’acheter des chaussures 100% synthétiques – mais rien sur le déodorant qui devrait aller avec), et des conseils : j’ai particulièrement apprécié « Rendre son chien et son chat végétariens ». L'été approchant, s'ils avaient une recette pour rendre les moustiques végétariens, j'apprécierai grave.
Pascal avait promis d’arrêter Kangourou après le n°18. Mais le fanzine c’est comme la cigarette (« le fanzinat peut nuire gravement à votre entourage » devrait être obligatoirement inscrit en bas de chaque couv) et voilà donc le n°20, rebaptisé Kangouroï pour l’occasion, peut-être pour rappeler qu’après la forte dose de metal du numéro précédent, il fallait revenir à l’essence même du projet kangourien : le punk et la oi!. On retrouve évidemment le franc-parler et le langage crû habituel du zine (pourquoi faire dans la douceur quand on peut faire efficace !). Punk qui tâche avec Garage Lopez, Maïté les Moules, Les Grilles Degoûts, Ze From Age Ki Pu (ceux-là s’ils avaient pas envie de répondre aux questions, ils pouvaient le dire d’emblée)…ouais ben déjà on remarquera qu’au niveau des noms de groupes l’inspiration semble faire défaut à la scène actuelle, ça a quand même moins de gueule que Komintern Sect, Reich Orgasm, Parabellum et consorts. Les Allemands The Shocks et les quasi-allemands Swattack relèvent le niveau (mention spéciale à ces derniers pour leur itw très « vivante »).
La conception de ce fanzine a nécessité l'asservissement d'une souris de type Microsoft Wheel Mouse Serial 83351-576. Celle-ci a dû être abattue après usage, mais par solidarité idéologique avec nos lecteurs vegans, elle n'a pas été mangée.
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